Avertissement aux consommateurs: des liquides américains sans nicotine frelatés à l’huile en vente online vers l’Europe

 
Des vape-pens pré-remplis avec de l’huile de noix de coco, ainsi que de la vitamine E, se trouvent en vente sur internet à destination d’acheteurs européens. Inhaler des lipides, tels que contenus dans ces produits, sont susceptibles de provoquer des pneumonies lipidiques. Un avertissement de principe a été lancé par l’association Helvetic Vape fin septembre. Puis début octobre, une alerte plus spécifique de l’ETHRA, le regroupement européens des défenseurs des moyens de réduction des risques. « Les liquides contenant des huiles ou de l’acétate de vitamine E sont potentiellement nocifs, même pour une utilisation à court terme », communique l’ETHRA.

Vendredi dernier, le quotidien Suisse le Temps a livré le nom d’une marque américaine opérant depuis la Pologne qui vend certains produits constitués essentiellement d’huile en les destinant à l’inhalation par un système de vapotage. Une absurdité sanitaire.

En parallèle, plusieurs sources nous ont prévenu de la circulation sur le marché noir de liquides aux drogues de synthèse. Notamment des liquides aux pseudo-cannabinoïdes de synthèse, tels que ceux qui ont fait des ravages sous la forme à fumer de Spice ou K2 apparus aux alentours de 2006. Le nom du Buddha Blue revient fréquemment dans les alertes aux liquides de pseudo-cannabinoïdes de synthèse.

Mais il y aurait également des liquides aux « sels de bains », des drogues de synthèse qui imitent les effets d’autres drogues telles que la cocaïne ou la méthamphétamine. Ces drogues de synthèse circulent depuis plus d’une dizaines d’années, consommées en les fumant, sniffant, et à présent dans des liquides de vapotage vendus sur les marchés noirs. L’étendue de leur usage est difficile à évaluer, comme le précisait déjà en 2014 un chercheur de l’OFDT pour la revue Swaps.

Risques de pneumonies lipidiques

Les liquides de vapotage contenant des lipides sont fortement susceptibles de provoquer des pneumonies lipidiques, quelque soit la substance active présente (nicotine, cannabinoïdes ou drogues de synthèse). Les pneumonies lipidiques exogènes résultent de « l’inhalation aiguë ou chronique de graisse animale, végétale ou minérale », rappelle une étude de cas de l’hôpital du Coulommiers en 2014. « La pneumonie lipoïde peut imiter [les symptômes] de nombreuses autres maladies », présente un article de Respiratory Medicine de 2011. « Des cas aigus, parfois mortels, peuvent survenir, mais la maladie est généralement indolente. (…) Aucune étude dans la littérature ne définit actuellement la meilleure option thérapeutique. Cependant, il existe un consensus sur le fait que la mesure clé consiste à identifier et à mettre fin à l’exposition à l’agent fautif », précisent les auteurs.
 
La présence de lipides et de vitamine E, qui est liposoluble, font partie des substances fortement soupçonnées, sans que ce soit formellement établi, dans la vague d’empoisonnements aux liquides frelatés aux Etats-Unis. Cela a éveillé l’attention d’usagers européens de liquide de vapotage au CBD sur une marque américaine distribuant ses produits depuis la Pologne à destination de différents pays d’Europe. Dans son catalogue un produit de vapotage au CBD constitué essentiellement d’huile de noix de coco a alerté en particulier des consommateurs, qui ont fait remonté l’info aux associations de défense des usagers.

En Europe, le risque peut venir de produits frelatés et/ou hors réglementation

Les cannabinoïdes eux-mêmes, nonobstant les effets psychoactifs connus, ne sont pas en cause. « Les produits de vapotage au CBD sont légaux dans plusieurs pays européens », rappelle l’ETHRA. Les défenseurs des usagers précisent que « les vendeurs responsables présentent des rapports de toxicologie » pour montrer les niveaux d’éventuels résidus de contaminants (pesticides et fongicides, notamment) et l’absence de lipide dans le liquide. Une très faible présence de THC est légale à des taux maximum variant selon les pays européens – < 1% en Suisse) et < 0,2% en France, par exemple [des concentrations qui n’occasionnent pas d’effets psychotropes (« ivresse »)-.
 
Les liquides de vapotage nicotinés sont soumis à la directive sur les produits du tabac (TPD), qui impose aux distributeurs d’annoncer leurs produits aux autorités sanitaires. L’ajout de lipides ou de vitamines est notamment interdit dans ce cadre. Le 23 septembre dernier sur la radio France-Info, Roger Genet, directeur général de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES), a précisé très clairement que les produits déclarés ne présentent pas les risques qui sont apparus aux Etats-Unis, avec des produits frelatés. En Suisse, l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV) a aussi confirmé la sûreté des liquides de vape légalement sur le marché.



Aucune réaction de la marque contactée par des usagers

Cependant, l’obsession en 2014 des législateurs de l’Union Européenne à tenter d’amalgamer les vapoteurs aux fumeurs, au lieu d’une réglementation spécifique au vapotage, amène à un flou, si ce n’est une lacune, de réglementation pour des produits sans nicotine tels que ceux mis en vente par la marque américaine depuis la Pologne. Les liquides de vapotage ne doivent pas contenir de lipide ni de vitamine lorsqu’ils sont soumis à la TPD.

 
Mais est-ce le cas en l’espèce? Les responsables de l’entreprise repérée par des usagers ont été contactés par plusieurs défenseurs de la réduction des risques. Réponses laconiques sans réelle précision, et surtout pas de retrait du produit signalé comme problématique, ni même d’avertissement sur la page de vente du produit.




Le site Make money online Scams exposed (« les arnaques des ventes en ligne exposées ») consacre un article à cette marque américaine, soulignant notamment le modèle peu sérieux de marketing en réseau multi-niveau (MLM). Les réactions de « l’ambassadrice » de la marque sur leur page francophone confirment le manque de compétences nécessaires au conseil pour ce type de produit.

Pas de problème majeur avec les produits réglementés

Pour le moment, ces produits douteux ne semblent pas avoir encore fait de victime en Europe. Le 8 octobre, Santé Publique France a confirmé l’absence de vague de cas répertorié depuis le lancement de l’alerte aux signalements en France, tout comme l’Institut fédéral d’évaluation des risques (BfR) en Allemagne ce 17 octobre. Au Royaume-Uni, il n’y a pas non plus d’inquiétude sur les produits légaux. 
 
En Suisse, seul un militant anti-réduction des risques affirme que la crise d’asthme d’une malade chronique à Winthertour a été causée en janvier, six mois avant les empoisonnements aux Etats-Unis, par la « même maladie » indéterminée que les cas américains. Il a médiatisé cette « information » douteuse la veille du vote de la taxe anti-vapoteur au Conseil des Etats… Y a t-il besoin de plus de commentaires?
 
Heureusement pour les personnes qui apprécient de vapoter du CBD, il existe des liquides produits avec des composants adéquats au vapotage. Il y a également d’autres manières de le consommer sans le fumer: avec des vaporisateurs d’herbe sèche, en gouttes sous la langue ou en massage dans l’intérieur du poignet (où la peau est assez fine)…

La démission politique offre son règne au marché noir

Concernant les produits contenant du THC dans des concentrations au dessus des limites légales, l’absence de régulation sur le sujet laisse les consommateurs aux mains des vendeurs du marché noir. Des produits illicites américains se trouvent notamment via le dark net. Des tests y ont mesuré la présence de lipides et de vitamine E, posant les problèmes de pneumonie lipidique susmentionnés, des métaux lourds et des résidus, parfois en quantité importante, de pesticides et de fongicides, notamment du Myclobutanil.
 
Le Myclobutanil dégage du cyanure d’hydrogène, sur lequel nous alertions en août et dont la présence a été confirmé dans les produits du marché noir, mais absent des produits légaux, testés par Cannasafe, un laboratoire indépendant. Celui-ci a livré ses résultats en exclusivité à Business Insider« Il y a une division du problème assez nette », explique Aaron Riley, directeur du laboratoire CannaSafe, « cette étude montre à quel point le marché noir [américain] est dangereux et sale ».

La diffusion de drogues de synthèse favorisée par le vape bashing

L’apparition des pseudo-cannabinoïdes de synthèse depuis quelques années est également une source d’inquiétude. Avec un potentiel de méfaits sous-estimé par les autorités. Diffusé depuis une dizaine d’années sous forme à fumer sous le nom devenu générique de Spice, les molécules synthétiques généralement avec une liaison atomique différente que la molécule de THC originale produisent des effets instables et peuvent être extrêmement concentrées. Des cas de jeunes partis en vrille dans leur lycée en France montre que ces substances circulent, sans que l’on ait une visibilité nette sur leur diffusion.

Ces derniers jours, de nouvelles alertes sur des cas dans la même région française (Normandie) sont revenus dans la presse. Des liquides avec d’autres drogues de synthèse circulent également, notamment des produits avec des « sels de bains ». Les effets de restriction et de prohibition sur les produits de vapotage sans substance, avec nicotine ou avec CBD, poussent certains jeunes, par définition inexpérimentés, dans les bras du marché noir. Là, par effet d’opportunité, ils se retrouvent face à des produits de synthèse illicites, sans réelle compréhension de leur nature et surtout de leurs effets brutaux et souvent inattendus, voire aléatoires.

L’absence d’information claire, et pire la tendance médiatico-politique à égaliser et amalgamer les risques entre produits de vapotage conventionnels, sans distinction avec ceux adultérés par des drogues de synthèse, rend opaque et brouille la compréhension des jeunes face à ces produits. Il y a un effet de banalisation implicite des produits dangereux par l’exagération infondée contre le vapotage classique. Il y a une grande responsabilité politique et médiatique à l’opacité sur ce problème, favorisé par le vape-bashing des défenseurs du tabagisme fumé, y compris de ceux qui se prétendent anti-tabac.

En Suisse, un besoin pressant d’information honnête

Localement, en Suisse, nous savons qu’il n’y a aucune aide ni information pertinente à attendre d’organisation telle qu’Addiction Suisse qui privilégie leurs objectifs politiciens et de carrière à la santé publique. Au mieux, ils attendent un accident pour réclamer de nouvelles mesures de répression des vapoteurs, que la RTS s’empressera de spectaculariser. Du côté des professionnels de vape romands, le réflexe de l’intérêt commercial personnel semble encore prédominer sur une compréhension plus globale du sujet et de l’approche de réduction des risques.

Une voix en prise avec le terrain et libre d’intérêts commerciaux est nécessaire sur ce type de problématique. Mais l’association des vapoteurs Helvetic Vape a été exclue des discussions par les autorités et les groupes de santé publique au profit des lobbys d’intérêts économiques. Cette situation est inquiétante, en la laissant sans prise ni contrôle. Les responsables de santé publique suisses se sont volontairement rendus aveugles par leur profond mépris des usagers.

Le pire est à venir

Les mesures anti-vapoteurs, pour favoriser les cigarettiers et les pharmaceutiques, notamment dans la prochaine loi LPTab en limitant les volumes à 10 ml des fioles et les surtaxant, vont alimenter l’extension d’un marché noir où les produits dangereux vont pouvoir toucher d’autant plus de public par effet d’opportunité. L’interdiction de pouvoir tester les produits en boutiques, par l’amalgame du vapotage au tabagisme et l’interdiction de promotion, va également favoriser la dispersion des clients vers les réseaux de vente sur internet.

Sur celui-ci, l’interdiction Suisse de publicité et promotion du vapotage va favoriser l’opacité entre sites sérieux, vendeurs douteux et marché noir, et entraver l’information de réduction des risques (déjà régulièrement censurée par des réseaux sociaux tels que Facebook). Mais ce pourrissement de la situation n’est-il pas ce que recherchent de longue date les soi-disant gardiens de la pureté morale sur ce sujet..? (oui, c’est une question rhétorique).

Les vaporisateurs d’herbe sèche comme moyen pragmatique pour le cannabis

 
Pour éviter de fumer et les toxiques liés dans le contexte Suisse – c’était mon conseil pragmatique lors d’un atelier avec des usagers il y a quelques mois -, les vaporisateurs à herbe sèche sont probablement le moyen le plus pratique. Il est plus aisé de trouver des sources de confiance pour les produits tels que l’herbe ou même le shit (la résine), que pour des liquides. Les modèles portatifs, que l’on peut trouver à partir d’environ 120 Fs (100 €), sont devenus pratiques, et la vaporisation permet de réduire d’environ 30% le dosage d’herbe ou de shit pour un effet similaire. 
 
La vaporisation évite le monoxyde de carbone et les goudrons de la combustion, mais ne protège pas des éventuels contaminants, tels que pesticide, métaux ou saloperies de synthèse, qui seraient contenus dans la matière. Une réglementation permettrait de protéger les consommateurs de tels toxiques. Mais encore faut-il que les autorités trouvent le courage politique de retirer aux dealers leur monopole du marché.
 
Source : https://vapolitique.blogspot.com/2019/10/avertissement-aux-consommateurs-des.html?spref=fb&fbclid=IwAR3PuKdenFIWuYCFmyhJJ5X6Myhg0nhk49aQPyGCYqWZYMaTAS8ANNCfn9g